lundi 3 juin 2013

Un rêve

Il était question d'un rêve... Le type, la quarantaine passée, un poil ringard, le regard enfoui sous d'énormes sourcils racontait en détails :

"Au début, je me suis réveillé, j'veux dire, pas pour de vrai, dans mon rêve ! Je me suis réveillé dans un lit, j'avais les yeux posés sur le plafond jauni traversé d'une grande fissure. Et puis tout à coup j'ai senti quelque chose me frôler, j'ai tourné la tête et là j'ai aperçu une immense araignée poilue qui me regardait avec ses dizaines d'yeux. Elle avait des yeux d'humain, je savais que c'était pas normal mais j'avais pas peur, j'avais envie de la câliner mais ça me dégoûtait mais je sentais que je devais le faire...Quand je l'ai touchée elle s'est transformée en centaine de minuscules araignées qui ont disparu. J'ai eu peur alors je suis sorti du lit et j'ai soulevé les draps et là y'avait toutes ces araignées qui grouillaient et qui me regardaient avec leurs yeux d'humain, on aurait dit des yeux de femme... Ceux de ma mère... Il fallait que je parte, j'ai regardé autour de moi, je me sentais comme à la maison, j'veux dire ça ressemblait pas du tout à chez moi ou à un endroit où j'avais pu vivre mais ça me semblait familier. J'ai cru qu'il n'y avait pas d'issue, pas de fenêtre, pas de porte mais j'entendais des rires alors j'ai regardé une deuxième fois et là j'ai vu une porte qui menait à une seconde chambre. Y'avait des enfants, des enfants que je connaissais dans mon rêve, des frères et soeurs ou des cousins, je sais pas trop, c'était la famille en tout cas; et ces enfants sautaient sur le lit et par terre y'avait encore ces araignées qui les regardaient avec tendresse... Mes yeux se sont posés sur une armoire dans le fond de la pièce, à côté d'une porte qui donnait sur une autre chambre sans fenêtre, j'avais l'impression que ça n'en finissait pas toutes ces chambres les unes après les autres... Enfin, bref, j'ai regardé cette armoire, enfin, c'était plutôt une commode et les tiroirs étaient ouverts et dedans y'avait plein d'araignées qui grouillaient dans des sous-vêtements de filles, de garçons, d'adultes, tout ça c'était mélangé et tout était mélangé dans cette espèce d'appartement sans fin, je le sentais, je le savais qu'ici y'avait pas de fenêtres, que des pièces en enfilade et pas de chambre attitrée... J'en pouvais plus de ces putains de bestioles alors j'ai voulu les écraser mais quand j'ai commencé à le faire elles hurlaient mon prénom, pas avec de la pitié mais avec de la colère comme ça : "Jean ! Jean  !!" Vous voyez, comme si je me faisais engueuler... Alors j'ai arrêté et je me suis mis à pleurer parce que c'était pas juste de me faire crier dessus comme ça, elles avaient pas le droit d'être là dans les sous-vêtements, vous comprenez, c'est pas normal, mais en même temps c'était pas bien d'avoir voulu les écraser, les tuer, je m'en voulais... Et puis les enfants, les DEUX enfants, ont arrêté de jouer et ils m'ont pointé du doigt en riant et moi je comprenais pas pourquoi il faisait ça alors j'ai regardé l'endroit où il pointait du doigt... Ma braguette était ouverte, mon sexe minuscule était recouvert d'araignées alors j'ai hurlé de colère, pas de peur, de colère seulement et j'ai voulu les virer de là mais elles partaient pas et au contraire y'en avait de plus en plus, elles me grimpaient sur les jambes, elles montaient sur mon torse et puis elles entraient dans ma bouche, au bout d'un moment j'avais même l'impression qu'elles étaient dans ma tête et que je les entendais me parler de l'intérieur, elles finissaient par penser à ma place mais je me souviens plus de ce qu'elles disaient... C'est frustrant... J'ai lu quelque part que le cerveau, au réveil, oubliait ce qui se disait dans les rêves de peur de l'affronter consciemment... Enfin bref, après ça je me souviens plus de grand chose, je crois que je me suis réveillé..."
On l'a remercié pour son témoignage et puis le "modérateur" de la réunion nous a donné rendez-vous la semaine suivante avant que l'on se dise au revoir. Jean est resté dans la salle, il attendait la réunion d'après, celle des Impuissants Anonymes. J'aurais peut-être dû rester aussi...