mercredi 29 juillet 2020

"Vide"



Ce jour-là, elle se dévisage longuement dans le miroir de sa salle d'eau, perdue dans son propre regard qu'elle ne reconnaît pas. 

"Je me sens un peu vide" lui a-t-il écrit.  

"Vide ?"

Elle observe la lumière qui change dans ses yeux à mesure qu'elle explore ses émotions. Mais cela lui donne l'impression d'assister à la performance médiocre d'une actrice de mauvaise fiction numérique. 

"Arrête un peu ton cinéma !" lui scandait sa mère quand elle pleurait de désespoir, quand elle se sentait envahie par la tempête de son chagrin. À ces mots, elle était alors profondément blessée. 
Sans doute en faisait-elle trop, c'est vrai. 
Dans ces moments elle aurait voulu s'arracher le cœur pour qu'il la laisse en paix et ne l'éloigne plus jamais de sa mère, des gens qu'elle aimait. 

Et maintenant la voilà devant son miroir, tenant dans sa main un bout de papier officiel. 

Elle repense à lui et les larmes coulent sur ses joues. 
Elle a la peau du visage irritée, à vif et le contour des yeux creusé, rouge, inflammé... 
Toutes ces larmes versées lui font l'effet d'une solution chimique brûlante et corrosive. 
Chaque gouttelette ronge plus profondément l'épiderme. Il lui semble même que l'une d'entre elles a atterri sur le rebord du lavabo et y a percé un petit trou fumant. 

Que faire alors de ces larmes d'amour toxiques ? 

Elle attrape une serviette et se tamponne doucement le visage en fermant les yeux. 
Elle espère que ce geste fera disparaître les plaies et les stigmates. 
En ouvrant les yeux, elle constate qu'elle est toujours aussi pourpre et boursouflée. 
Elle applique une pommade avec soin, d'une seule main, tenant toujours fermement de l'autre son bout de papier officiel. 

Elle voudrait le déchirer, le brûler, le donner en pâture aux chiens... 

Mais il n'y a plus de chiens de nos jours et la population a désormais interdiction de faire du feu... Et ce bout de papier lui offre une place qu'elle a tant convoitée dans cette société faite de profits, de viols consentis et de hiérarchie incontestable. 

Dans l'après-midi, le médecin a inscrit officiellement, dans un regard entendu, sur son certificat de vie : 
"Déclarée inapte à l'amour". 

dimanche 1 mars 2020

La princesse aux cheveux rouges

Sole

Il était une fois dans un pays lointain, une jeune princesse aux cheveux rouges. Elle vivait dans un magnifique palais que son père le Roi avait fait construire de cristal et de diamants. L'édifice scintillait comme un millier d'étoiles afin de rendre hommage à l'amour qu'il portait à sa Reine bien-aimée nommée Stella. Leur amour était connu de tous de par le monde, les mères racontaient leur histoire à leurs petites filles, les pères faisaient prendre exemple sur le roi à leur fils et chacun louait la beauté de cette union... 
Mais ce que le monde extérieur ignorait c'était qu'à l'intérieur du château une drôle de maladie touchait la jeune princesse aux cheveux rouges.... Cette année-là quand le printemps arriva la jeune fille ne courut pas comme à son habitude dans les jardins ensoleillés, elle ne cueillit aucune fleur, n'attrapa pas les papillons et ne lut plus à l'ombre du saule.... Une grande fatigue s'empara d'elle, la nature, ses couleurs et ses odeurs ne provoquaient plus les mêmes émotions à la demoiselle, elle restait des journées entières enfermée dans sa vaste chambre, les rideaux clos, sans divertissement, le regard posé sur le plafond.... 
Ses royaux parents terriblement inquiets firent appel aux plus grands médecins du royaume dans l'espoir qu'ils la guérissent. Chacun y alla de son remède : massages vigoureux, ingestion de mixtures mystérieuses, onguents odorants, cataplasmes bouillants et autres médicamentions fantasques.... Rien n'y faisait, la Princesse sombrait de plus en plus dans l'ennui, refusant de s'alimenter et ne prononçant plus que les mots qu'on voulait entendre...
 Les bourgeons fleurirent, le vent s'en alla souffler dans d'autres contrées, le soleil tapa plus fort: l’été était là. Avec la chaleur, la princesse ne trouva plus le sommeil,  ses yeux se noircirent, ses joues se creusèrent. Dans les couloirs on entendait des murmures plaignant la maigreur, le mutisme, la tristesse de la pauvre enfant... Les parents affolés, à court de remèdes lancèrent un appel à travers le monde entier : toute personne pouvant sauver la Princesse était la bienvenue au palais et serait récompensée en cas de réussite.... 
Ainsi on vit arriver à la cour nombre de charlatans, diseuses de bonne aventure, princes plus ou moins charmants bien décidés à rompre le sortilège d'un baiser. 
Mais quand les feuilles des arbres roussirent et tombèrent, la Princesse n'était toujours pas libérée du mal qui la rongeait... Le couple royal continua à ouvrir ses portes à toute âme proposant de l'aide et leur légende grandit : désormais les récits, les chants, les rumeurs parlaient de ce couple maudit dont l'enfant assombrissait le ciel. On racontait même que le scintillant palais perdait de son éclat mais que dans l'épreuve les époux se regardaient avec plus d'ardeur, plus de passion et que leur amour se renforçait.... 
Les premières neiges arrivèrent, le somptueux palais était recouvert d’une fine couche de givre, le jardin était blanc, les dames emmitouflées dans de longues capes de fourrure, les buches crépitaient dans les cheminées, on se réchauffait en se blottissant les uns contre les autres.... Mais inlassablement la Princesse demeurait seule dans son immense chambre, n'entendant pas même les cris de joie des enfants qui se chamaillaient avec la neige...
 À cette époque très peu tentait encore leur chance pour guérir la jeune fille et petit à petit les visiteurs se raréfièrent pour finalement abandonnés définitivement les lieux.... L'espoir s'évaporait, par deux fois on annonça par erreur la mort de l'enfant royal... Elle n'était pas morte mais sa présence était fantomatique : elle respirait à peine, ne se nourrissait plus, était si légère que ses pas ne faisaient qu'effleurer le sol, plus un son ne sortait de sa bouche, elle disparaissait lentement... Certains jours on aurait fini par l'oublier totalement si on n'avait pas entendu l'eau du bain couler. Car la Princesse se lavait plusieurs fois par jour, s'assoupissant dans l'eau fumante de chaleur jusqu'à ce que sa peau flétrie la fasse paraitre comme une vieille dame... 
Au milieu de l'hiver on donna le bal annuel des fées et des princes. À cette occasion les plus charmants, les plus extraordinaires, les plus gais personnages s'installèrent pour 3 jours et 3 nuits dans le palais. Plongée dans son bain, sa longue chevelure rousse flottant vaguement dans l'eau, la Princesse percevait de loin le tapage que tout ce joyeux petit monde provoquait dans la salle de réception. Un son en particulier l'attirait : le rire franc et honnête de Sa Majesté, sa mère... 
Dans les couloirs les gens compatissaient au malheur des époux, accablant l'enfant, dépeignant une jeune fille capricieuse qui prenait plaisir à rendre ses parents malheureux, à attirer l'attention sur elle, elle n'avait pas de vraie maladie selon eux, elle souffrait d'une trop grande imagination et avait besoin de se faire remarquer.... 
Un jour, avant que les dernières neiges ne fondent complètement, une vieille femme se présenta à la cour. Le Roi et la Reine plongés dans les yeux l'un de l'autre ne la virent pas arriver dans la grande salle du trône. La vieille femme traversa la pièce sans un regard pour les époux et vint s'asseoir à leurs pieds, dos à eux. Installée en tailleur elle se mit à chanter une vieille chanson d'amour, sa voix était claire et cristalline, et invitait à l'écouter.

« Un jour, toujours 
Je t’aimerai 
Ma dulcinée
Un jour, Toujours 
Pour que perdure notre amour 
Je sèmerai pour toi 
Les coquelicots là-bas 
Et quand le champ rougi 
Fleurira 
Tu sauras 
Que tu es ma vie 

Mais mon bien-aimé 
Tu t’es envolé 
En même temps 
Que les feuilles des arbres 
Et maintenant 
Je me vois misérable 
J’attends le printemps 
Pour y voir ton âme dans le champ»

 Les souverains en l’entendant, détournèrent leur regard l'un de l'autre et virent la vieille femme qui chantait inlassablement. Une fois sa chanson finie, elle la reprenait du début. La reine intriguée se plaça devant elle et l'interrogea sur la raison de sa venue mais la vielle femme se contenta de continuer à chanter sans même adresser un regard à Sa Majesté.
Après avoir longuement tenté de la faire parler, en vain,  la reine agacée se mit en colère. Elle questionna plus vigoureusement la vieille, se mettant à sa hauteur, tentant d'attirer son attention, usant de tous ses charmes mais rien n’y fit. Le regard dans le vide, la vieille continuait à chanter. Le Roi abandonna très vite, préférant aller déjeuner, laissant sa femme à sa colère avec la chanteuse. De longues heures passèrent sans que la reine ne pût rien obtenir de la vieille. Quand la nuit fut noire, n'ayant rien avalé de la journée elle se résolut à aller se coucher mais même dans son lit il lui semblait qu'elle pouvait encore entendre l'éternel refrain. Elle ne ferma pas l'œil de la nuit, fixant le plafond, tentant par tous les moyens de garder son calme. Dès le lendemain elle retourna dans la salle du trône. La vieille n'avait pas bougé et continuait de chanter. La reine soupçonna un maléfice, une sorcière ! Ce ne pouvait être qu'une sorcière pour lui infliger une telle souffrance !  Elle ordonna qu'on s'empare d'elle et qu'on la jette dehors au plus vite mais les gardes ne purent se résoudre à user de la force contre cette adorable vieille femme à la voix cristalline et ne chantant que l'amour... La Reine était seule contre tous. Personne ne la comprenait, certains prirent peur de son comportement, on s'inquiétait que la reine ne devienne folle. Après tout, ce n'était là qu'une vieille femme attendant patiemment le retour du printemps, elle finirait bien par partir au moins pour vérifier si les coquelicots fleurissaient...
Mais la Reine ne raisonnait plus, elle suppliait la vieille de lui répondre. En ce deuxième jour elle ne rit ni ne mangea et ne trouva de réconfort que lorsque sa tête fut entièrement plongée dans l'eau de son bain, le monde extérieur se faisait sourd et il lui semblait qu'elle n'entendait plus l'horrible chant de la sorcière...
Elle fixa le plafond toute la nuit et au matin du troisième jour elle redoutait de sortir de sa chambre. Elle préféra se baigner toute la journée,  les oreilles immergées dans l'eau bouillante...
Le soir vint, le roi agacé préféra quitter sa chambre pour une autre. La Reine s'allongea, muette, presqu'immobile, tentant désespérément de contenir sa rage. Quand, tout à coup, on frappa à la porte. Sans y avoir répondu, la porte s'ouvrit, dans l'entrebâillement elle vit la vieille dame. Son regard bon, tendre vint se poser intensément dans les yeux royaux et sur les joues lisses et parfaites de la reine de grosses larmes coulèrent et enfin elle lança à la vielle désormais assise auprès d'elle : 
"J'ai compris, oui j'ai tout compris !
La vieille caressa tendrement la joue de la reine, lui sourit et s'en alla sans un mot. 

La Reine s'endormit profondément. Au réveil, elle était splendide et reposée pour accueillir le printemps que l'on célébrait ce jour-ci.  
Elle s'apprêta, de sa chambre elle traversa tout le château pour enfin se tenir devant une grande porte d'acajou. Elle resta ainsi un instant, tendant l'oreille, guettant le moindre bruit qui pourrait s'échapper de la pièce close... Enfin elle leva le bras et doucement elle gratta du bout des doigts sur le bois... Aucune réponse. Elle posa sa main sur la poignée et délicatement l'abaissa...Dans un cliquetis la porte s'ouvrit...
Stella jeta un œil à l'intérieur et vit la princesse allongée sur son lit, le regard dans le vide. Elle entra, se dirigea vers le lit, s'y assit et entre ses deux mains prit le visage de sa fille... Leurs regards se croisèrent et la mère dit : 
"Je te vois ma Princesse, je t'écoute mon enfant, je t'aime Sole

A ces mots la jeune princesse, Sole se mit à pleurer. Enfin, elle ouvrit la bouche et se mit à raconter, a tout raconter en pleurant, en riant, en hurlant, en chuchotant... Elle mangea avec sa mère, joua avec sa mère, elles retrouvèrent le roi et ils se racontèrent les uns aux autres... 

Le printemps était là. Durant cette saison, la Princesse, telle une fleur s'épanouit lentement mais joliment et lorsque l'été arriva elle était presqu’une femme...

On raconte que depuis ce jour le palais se mit à scintiller de plus belle, même la nuit son éclat guidait les voyageurs perdus. On raconte que non loin de là un champ fleurissait d'immortels coquelicots. On raconte qu’une vieille femme devint riche, récompensée pour l'aide que son chant avait apporté. On raconte que la Princesse devint une reine aimante et juste mais ça, c’est une autre histoire…

FIN

samedi 29 février 2020

Carnet de voyage - Le temple d'Antonin et Faustine

Carnet de voyage
25/02/2020
14:30
Forum Romain-Le temple d'Antonin et Faustine

"Aimer à la démesure"

Aimer à la démesure.
Aimer à la hauteur de ces colonnes gigantesques, imposantes.
Aimer d'un amour puissant comme le marbre.
Aimer à en vouloir se rapprocher du Ciel, du Divin.
Aimer hier, aujourd'hui et dans 2000 ans.
Que cet amour antique devienne le recueil du sacré monothéiste !
Ébréché, partiellement oublié, perdu, ruiné... mais debout, indestructible depuis des millénaires.

T'aimer à la démesure.
T'aimer à la mesure.
T'aimer à ta mesure.

Et faire se sentir les autres minuscules devant nous.
J'ai l'amour mégalomane.
Je te possède et t'enferme dans un écrin monumental...et froid comme le marbre.
Froid comme mon cœur qui devrait t'aimer à la démesure mais qui ne le peut.
Mon cœur devrait t'aimer éperdument.
Je t'offrirais tout le marbre du monde pour que tu y crois, pour que jamais tu ne me quittes et ne m'ôtes cette chance d'un jour, peut-être, réchauffer mon cœur comme tes mains réchauffent le marbre, aspirer ta lumière pour la refléter et éblouir; pour que jamais tu ne me laisses seul avec mon cœur dur et froid...
Tu croiras que sur mon âme comme sur le marbre, courent de longues blessures veineuses, mais ce ne sont que les marques du temps.
Je suis façonné à être lisse.
Je reste de marbre.



N.B. : ce texte est une inspiration. Pour la véritable histoire du temple c'est par ici : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Temple_d%27Antonin_et_Faustine

Carnet de voyage - Le Soldat du Vittoriano

25/02/2020
15:22

Sur les marches de la Chiesa di Santa Maria di Aracoeli
Après la visite du Vittoriano.

"Le soldat du Vittoriano"

Dans la salle des drapeaux, je l'ai vu, il t'aurait plu.
C'était un soldat, un jeune soldat.
Accoutré de son uniforme militaire trop vieux pour lui - cet habit racontant bien plus d'histoires que ce garçon n'en racontera jamais - il était assis sur un tabouret haut, les pieds surélevés sur un barreau, lui donnant l'air recroquevillé, le regard désabusé, la mine renfrognée sous son béret tout neuf, il semblait dire
"Ma cosa ho fatto per essere qui ?"

Pas totalement désespéré, ai-je imaginé, ses ambitions restaient bouillonnantes dans les impatiences de ses doigts. Faisant claquer son pouce contre sa main comme agitant un élastique imaginaire, il trompait l'ennui, il trompait la vacuité.

Soldat ! Debout ! Il te faudra rester en poste le temps que l'invasion de touristes soit achevée dans l'Altare della Patria, l'Autel de la Patrie !

Ah... Il m'a fait rire ! Il a soulevé une vague de cynisme en moi et vraiment, je crois qu'il t'aurait plu...Je t'entendais presque me dire, l'index inquisiteur, légèrement courbé, pointé vers le ciel :  "Ah ! C'est exactement ça que..."
Que quoi ? Je ne sais pas... Mais il aurait à coup sûr touché ton obsession martiale tant il était incongru ce jeune soldat dans son treillis sans plis, fourbu de lassitude, l'oeil accablé, dont l'énergie en puissance dévastatrice ne s'exprimait que par l'intermédiaire de ce fichu bout de caoutchouc imaginaire...

Et puis, j'y suis retournée une heure plus tard. La porte était close...
Et toi, de toute façon, tu n'es pas là.

mardi 25 février 2020

Carnet de Voyage-La musique de Rome

25/02/2020
Forum Palatin
"Rome" 

Il faut entendre cette ville pour la comprendre.
C'est le bruit de la circulation dense, ce bruit incessant, jour et nuit; ce sont les sirènes des ambulances, "basse d'Alberti" allegro; ce sont les gens ici qui parlent toutes les langues mais dont le rire et les onomatopées sont apatrides; et... c'est surtout le silence.
Ce silence en bruit de fond, le silence des pierres millénaires, effondrées, en ruines mais orgueilleusement debout.

Ce silence c'est ce qui crée la vibration permanente des bruits de Rome.
Comme le tic-tac de l'horloge en pleine nuit ou le craquement des pas dans la neige...
Ici chaque son, chaque voix résonne dans cet écrin fait de passé, dans ce coeur antique à l'arrêt.
Même le bruit de mon stylo sur la page, le vent qui fait claquer les feuilles lignées sont saillants...

Au cœur de la cité aux sept collines hantée de tous ses fantômes, c'est la vie qui palpite !
Comme deux extrêmes en équilibre permanent...
L'éternel, l'éphémère
Le Sacré, le profane
L'immobile, le mouvant
Le silence, le vacarme
La Mort, la Vie !


lundi 3 juin 2013

Un rêve

Il était question d'un rêve... Le type, la quarantaine passée, un poil ringard, le regard enfoui sous d'énormes sourcils racontait en détails :

"Au début, je me suis réveillé, j'veux dire, pas pour de vrai, dans mon rêve ! Je me suis réveillé dans un lit, j'avais les yeux posés sur le plafond jauni traversé d'une grande fissure. Et puis tout à coup j'ai senti quelque chose me frôler, j'ai tourné la tête et là j'ai aperçu une immense araignée poilue qui me regardait avec ses dizaines d'yeux. Elle avait des yeux d'humain, je savais que c'était pas normal mais j'avais pas peur, j'avais envie de la câliner mais ça me dégoûtait mais je sentais que je devais le faire...Quand je l'ai touchée elle s'est transformée en centaine de minuscules araignées qui ont disparu. J'ai eu peur alors je suis sorti du lit et j'ai soulevé les draps et là y'avait toutes ces araignées qui grouillaient et qui me regardaient avec leurs yeux d'humain, on aurait dit des yeux de femme... Ceux de ma mère... Il fallait que je parte, j'ai regardé autour de moi, je me sentais comme à la maison, j'veux dire ça ressemblait pas du tout à chez moi ou à un endroit où j'avais pu vivre mais ça me semblait familier. J'ai cru qu'il n'y avait pas d'issue, pas de fenêtre, pas de porte mais j'entendais des rires alors j'ai regardé une deuxième fois et là j'ai vu une porte qui menait à une seconde chambre. Y'avait des enfants, des enfants que je connaissais dans mon rêve, des frères et soeurs ou des cousins, je sais pas trop, c'était la famille en tout cas; et ces enfants sautaient sur le lit et par terre y'avait encore ces araignées qui les regardaient avec tendresse... Mes yeux se sont posés sur une armoire dans le fond de la pièce, à côté d'une porte qui donnait sur une autre chambre sans fenêtre, j'avais l'impression que ça n'en finissait pas toutes ces chambres les unes après les autres... Enfin, bref, j'ai regardé cette armoire, enfin, c'était plutôt une commode et les tiroirs étaient ouverts et dedans y'avait plein d'araignées qui grouillaient dans des sous-vêtements de filles, de garçons, d'adultes, tout ça c'était mélangé et tout était mélangé dans cette espèce d'appartement sans fin, je le sentais, je le savais qu'ici y'avait pas de fenêtres, que des pièces en enfilade et pas de chambre attitrée... J'en pouvais plus de ces putains de bestioles alors j'ai voulu les écraser mais quand j'ai commencé à le faire elles hurlaient mon prénom, pas avec de la pitié mais avec de la colère comme ça : "Jean ! Jean  !!" Vous voyez, comme si je me faisais engueuler... Alors j'ai arrêté et je me suis mis à pleurer parce que c'était pas juste de me faire crier dessus comme ça, elles avaient pas le droit d'être là dans les sous-vêtements, vous comprenez, c'est pas normal, mais en même temps c'était pas bien d'avoir voulu les écraser, les tuer, je m'en voulais... Et puis les enfants, les DEUX enfants, ont arrêté de jouer et ils m'ont pointé du doigt en riant et moi je comprenais pas pourquoi il faisait ça alors j'ai regardé l'endroit où il pointait du doigt... Ma braguette était ouverte, mon sexe minuscule était recouvert d'araignées alors j'ai hurlé de colère, pas de peur, de colère seulement et j'ai voulu les virer de là mais elles partaient pas et au contraire y'en avait de plus en plus, elles me grimpaient sur les jambes, elles montaient sur mon torse et puis elles entraient dans ma bouche, au bout d'un moment j'avais même l'impression qu'elles étaient dans ma tête et que je les entendais me parler de l'intérieur, elles finissaient par penser à ma place mais je me souviens plus de ce qu'elles disaient... C'est frustrant... J'ai lu quelque part que le cerveau, au réveil, oubliait ce qui se disait dans les rêves de peur de l'affronter consciemment... Enfin bref, après ça je me souviens plus de grand chose, je crois que je me suis réveillé..."
On l'a remercié pour son témoignage et puis le "modérateur" de la réunion nous a donné rendez-vous la semaine suivante avant que l'on se dise au revoir. Jean est resté dans la salle, il attendait la réunion d'après, celle des Impuissants Anonymes. J'aurais peut-être dû rester aussi...

mercredi 29 février 2012

Et si je m'y remettais ?

Voilà une idée qui m'a été soufflée par un inconnu...."et si je m"y remettais?" 
Il va me falloir une bonne dose d'inspiration et quelques kilos de motivation mais l'idée me plaît... 
J'ai juste envie de changer les règles... en ne mettant pas de règles ! 
J'aimerais partager mes textes, mes nouvelles, mes chansons, mes rires, mes joies, un peu tout, ici, avec ceux qui voudront bien les lire, les commenter peut-être, les critiquer même !

Alors voilà, maintenant je trouve le temps, j'attends que la nuit tombe, et j'écris... J'espère ! 

Je souhaite que vous y trouviez quelque chose pour vous, prenez tout ce qu'il vous plaira !


mardi 27 avril 2010

Chapitre V : Ombre et Lumière

Je m'assis pour réveiller mon corps et repensai aux paroles de Céfiro. Quelque chose me tourmentait, une petite plaie dans l'estomac que je n'expliquais pas. Je levai les yeux au ciel et le regard brûlant de Soleil je le défiais de mettre à jour ce petit vers sournois qui me grignotait doucement les tripes et l'humeur...
Céfiro passa sa main dans mon dos et je sentis son œil lourd et scrutateur se poser sur moi.
Brusquement, violemment, mes pensées s'éclaircirent et je sentis ma bile et mon sang remontés de mon estomac jusque dans ma gorge qui se noua aussitôt. L'atroce chaleur remonta jusque dans mon crâne, mes pensées éclatèrent en mille moreaux très distincts et des gouttes de sueur gelées commencèrent à perler le long de mes tempes : l'ignoble angoisse de l'éclair de lucidité venait de m'envahir.
Cela faisait déjà presque an que j'étais partie, j'avais tout laissé derrière moi, mes amis, ma famille, ma dépression, ma vie, mon passé. Contrairement à ce que j'avais pu croire jusqu'ici, je ne m'étais pas reconstruite durant ce long voyage. Je m'étais fuie. J'avais fui le reste du monde. De ville en ville, de rencontre en rencontre je n'avais rien voulu prendre ou donner de peur d'être à nouveau vampirisée.
L'effroyable conclusion à tout ça était que je n'avais plus d'Identité. J'étais toujours un tube, je n'étais qu'un miroir !
Je me mis sur pieds tout doucement, fit trois pas sur le sable et soudain, poursuivie par la peur, je me mis à courir le plus vite possible en direction de la mer dans laquelle je plongeai en un souffle ! Sous l'eau, j'essayais d'aller le plus profond que je puisse. Les yeux grands ouverts sur les profondeurs sous-marines, je voyais ma vie défilée...

Petite fille charmante et intelligente récitant Le Poisson Fa de Bobby Lapointe, la barbe de papa que je caresse en suçant mon pouce, maman qui me réveille en chantant, papa qui s'en va, maman qui me protège, adolescente paumée se tailladant les veines dans la salle de bain, mon premier amour un peu trop vieux pour moi, mes 18 bougies soufflées dans l'alcool et la drogue, les études ratées, le travail pesant, la neige, la fuite...
La Fuite encore... sans cesse... sans cesse.L'air vient à me manquer, alors, j'ai le choix : soit je m'accroche au limon sombre de ces eaux et je me laisse emporter par leur vertige, soit je sors la tête de l'eau, je prends une bouffée d'air et je vis.

Le soleil étincelant à la surface, le bleu du ciel là-haut, la main de Céfiro, le regard de Céfiro sous l'eau, ma main dans la sienne, il m'extirpe, tête la première...J'aspire encore et encore mais mes poumons refusent de s'ouvrir, Céfiro m'attire violemment vers lui et ses lèvres choquent les miennes et son souffle envahit ma bouche et ma gorge pour finalement atteindre ma poitrine et je RESPIRE !!
Le bonheur d'être en vie me fait tellement souffrir que je me mets à hurler de toutes mes forces !
Céfiro passe son index sur mes lèvres : "Là... Juste là, c'est écrit : "Soleil" ".

vendredi 23 avril 2010

La suite est écrite dans un cahier et sera postée le plus rapidement possible !!!

samedi 3 avril 2010

Chapitre IV : Folie Douce

« Hélia, je ne peux pas te lire… »
A l’écart des autres, ce soir là, j’étais assise sur la plage, quand Cefiro s’approcha de moi lentement. Rampant presque, il m’atteignit de très près, son nez frôlant le mien, il prononça ses mots dans un murmure qui accompagna le bruit répétitif et apaisant des vagues et les éclats de rire au loin…
Ses yeux restèrent longtemps dans les miens. Le feu que les autres attisaient un peu plus bas et le vent faisaient danser l’ombre des arbres sur son visage. Un instant je ne le voyais plus du tout, il semblait s’être évanoui dans le vent et l’instant d’après son regard flambait et semblait me pénétrer tandis que je sentais le souffle de sa bouche humide sur ma bouche… Mon corps fondait, j’aurais pu mourir à cet instant, m’écrouler là et ne plus jamais me relever. Nos corps ne se touchaient pas mais il me semblait que nous ne faisions plus qu’un, mon cœur battait si vite que j’avais l’impression qu’il s’était figé en une très lente explosion interminable et mes mains ne répondaient plus, je m’agrippais tant que je pouvais au sable qui filait immanquablement entre mes doigts, et tout mon ventre brûlait, cette sensation de chaleur qui partait de mon estomac et qui remontait jusqu’à ma gorge comme un volcan en éruption pour laisser couler la lave du désir jusque dans mon sexe qui battait plus fort encore que mon cœur. Durant ce temps indéfinissable j’étais restée en apnée, tout était suspendu, et je sentais que mon corps finirait par détoner si je ne respirais pas de nouveau. Nous prîmes alors une grande inspiration à l’unisson et je sentis des larmes coulées de mes yeux et de mon sexe. Puis il lécha mes joues avec tendresse et je m’abandonnai à lui, ayant lâché les armes, mon visage se tendait de passion et valsait au rythme de ses baisers. Il agrippa ma nuque, la pressa, je sentis ses ongles sous ma peau et, enfin, il m’embrassa… Son baiser était féroce, il me mordait, suçait mes lèvres et sa langue caressait ma langue dans une étreinte cannibale, je lui appartenais, j’étais statufiée, et je ne sentais plus que mon corps, mes pensées s’évanouissaient dans l’air, et enfin, enfin !, je ne contrôlais plus, ma chair était sienne et je les laissais, lui et mes émotions en disposer.
Il me déshabilla, non sans heurts et sans sourires, et m’allongea sur le sable. Il câlina chaque partie de mon corps de ses caresses et baisers, j’étais un pays à découvrir et l’explorateur ne voulait surtout pas brusquer les reliefs qu’il déflorait. Chaque mont, chaque vallée furent visités avec prudence. Certaines caresses se faisaient plus insistantes à certains lieux où mon désir était exacerbé et dans mon souffle devenu rapide des gémissements jaillissaient parfois. Dans un geste du bassin il comprit que je lui offrais mon intimité profonde et il vint en moi après que d’une contorsion rassurante il eut enveloppé sa virilité de latex…
Son souffle dans mon cou, sa sueur se mêlant à la mienne, nos lèvres se cherchant, nos mains se liant et nos yeux grands ouverts l’un sur l’autre, mon sexe explosa et mon cœur se libéra enfin de ma poitrine dans un cri surgissant…

Le lendemain matin , couverts d’un duvet qu’un ami bienveillant avait dû déposer sur nous, nous nous réveillâmes enveloppés de douceur, le soleil commençant à réchauffer nos os.
« Hier, tu as dit que tu ne pouvais pas me lire, pourquoi ? Je ne comprends pas…
_ C’est illisible, tout est flou sur toi…
_ Comment ça "tout est flou sur moi" ?
_ Oui . Je lis l’histoire des gens sur eux… Et toi je ne peux pas te lire, tout est si brumeux, presque effacé …
_ Tu sais pourquoi ?
_ C’est à toi de me le dire… »
Un instant s’écoula dans la tranquillité quand je l’interrogeai de nouveau :
« Tu as bien dit que tu lisais sur les gens ? Tu veux dire à travers leurs cicatrices, leurs rides, leurs stigmates ?
_ Non je veux dire que je lis des mots qui me racontent les maux, m-a-u-x, des Hommes sur leur peau, ils s’inscrivent sur eux et je peux les lire comme sur les pages d’un livre, réellement. »

vendredi 2 avril 2010

Post à venir, pas d'inquiétude, je sens que ça vient !!!

mardi 23 mars 2010

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Merci à tous !

Hélène.

Chapitre III : Éveil

Me voilà débarrassée de mes frusques devant mon joueur de scie musicale. Nonchalamment je tournoie dans les vibrations de son instrument. J'approche de sa bouche et l'embrasse tout en douceur, le son nous enveloppe, nous pénètre et l'instant se fige. Je suis une bulle, je suis l'air, je suis le vent qui caresse ses cheveux, je suis la terre qui roule sous ses pieds, je m'oublie...


Après la neige j'ai couru, j'ai tout laissé derrière moi. Je suis montée dans un train puis dans un autre, j'ai levé le pouce, j'ai dormi chez les uns, chez les autres. J'ai senti l'haleine de cette fille au plus profond de mon être et j'ai détesté la chaleur du corps de cet homme moite. J'ai mangé ce qu'on m'a donné, tout ce qu'on m'a donné, j'ai fumé, j'ai bu, j'ai ingurgité.


J'ai rencontré Paul, Anaïs, Basile, Khaled, Janeck. J'ai connu Shannon qui m'a parlé de sa mère morte entre deux tours, j'ai connu Amsyar qui vivait au Sri Lanka, j'ai connu Edward qui chantait comme un ange. J'ai détesté Ben qui conduisait une grosse berline, j'ai détesté Laurent qui imitait tout le monde, j'ai détesté Jane qui me ressemblait un peu trop... Et puis j'ai aimé Cefiro.


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mardi 16 mars 2010

Chapitre II : Premier cri

7h30. Le réveil sonne. Pas pour moi. Pour le voisin. Je n'irai pas par quatre chemins : il est sourd comme un pot et son portable collé au mur en mode vibreur+sonnerie est le seul moyen qu'il ait trouvé pour se saquer. BAM BAM BAM, je crois plutôt que ce sont mes coups sur sa tête de lit qui doivent être décisifs... Je l'entends qui se lève, qui s'affaire, chaque matin c'est pareil : il allume sa télé, va sous la douche, et puis paf, tap, clac, j'imagine qu'il s'habille, pim, gling, pong, il déjeûne et CLAC la porte est claquée ! Et puis tout doucement j'entends ses pas, clip, clap, clip, clap, qui s'éloignent dans la rue...
8h30. L'immeuble commence tout juste à s'apaiser. Les enfants ne galopent plus sur le parquet, les mères ne hurlent plus, les pères ne tapent plus du poing sur la table, les nounous ne cancanent plus dans le hall, tout ce petit monde est désormais là où il doit être.
9h00. Jusqu'ici j'ai fermé l'œil une heure mais à présent je peux me rendormir. Le jour est levé et l'insomnie c'est que la nuit.
15h00. J'ouvre les yeux. Je vois par la fenêtre que tout est blanc, de la neige à perte de vue (à travers les immeubles). Ni une ni deux j'enfile un pull, une paire de gants et des boots et me voilà courant comme une enfant dans la neige ! Je l'attrappe, la mange, la crache, la jette et puis je fais des anges, allongée sur le dos, je l'étreins, l'embrasse, la câline, je me roule, je me couvre le visage tout entier et ça me glace, et ça me réchauffe la moëlle, je me sens, je me SENS ! Alors je remarque là-bas un endroit tranquille à l'abri des regards de ces vieux fous par leur fenêtre qui me prennent pour une jeune folle. Le lieu est vierge, pur de toute trace d'humanité alors je cours, glisse, tombe et me mords la lèvre. Je veux me relever mais reste à genoux quand, débarrassée de mes gants, les mains en coupole sous ma bouche, j'aperçois le sang qui coule, rouge, vif, sur la neige, blanche, dévirginiser par ces 3 gouttes. Je contemple ce spectacle tandis que se lève une bise glaciale qui vient battre à mes joues, aiguise mes nerfs et envolent mes cheveux. La tête droite, fière face au vent, je me sens toute puissante et je défie ce monde de m'arrêter ! Tout me semble clair à cet instant, mon crâne se vide pour ne laisser place qu'à une seule idée qui m'emplit tout entière, qui circule dans mon sang, dans mes veines, à travers les vertèbres de ma colonne, dans mes mains en un fourmillement extatique : PARTIR !!!!