samedi 3 avril 2010

Chapitre IV : Folie Douce

« Hélia, je ne peux pas te lire… »
A l’écart des autres, ce soir là, j’étais assise sur la plage, quand Cefiro s’approcha de moi lentement. Rampant presque, il m’atteignit de très près, son nez frôlant le mien, il prononça ses mots dans un murmure qui accompagna le bruit répétitif et apaisant des vagues et les éclats de rire au loin…
Ses yeux restèrent longtemps dans les miens. Le feu que les autres attisaient un peu plus bas et le vent faisaient danser l’ombre des arbres sur son visage. Un instant je ne le voyais plus du tout, il semblait s’être évanoui dans le vent et l’instant d’après son regard flambait et semblait me pénétrer tandis que je sentais le souffle de sa bouche humide sur ma bouche… Mon corps fondait, j’aurais pu mourir à cet instant, m’écrouler là et ne plus jamais me relever. Nos corps ne se touchaient pas mais il me semblait que nous ne faisions plus qu’un, mon cœur battait si vite que j’avais l’impression qu’il s’était figé en une très lente explosion interminable et mes mains ne répondaient plus, je m’agrippais tant que je pouvais au sable qui filait immanquablement entre mes doigts, et tout mon ventre brûlait, cette sensation de chaleur qui partait de mon estomac et qui remontait jusqu’à ma gorge comme un volcan en éruption pour laisser couler la lave du désir jusque dans mon sexe qui battait plus fort encore que mon cœur. Durant ce temps indéfinissable j’étais restée en apnée, tout était suspendu, et je sentais que mon corps finirait par détoner si je ne respirais pas de nouveau. Nous prîmes alors une grande inspiration à l’unisson et je sentis des larmes coulées de mes yeux et de mon sexe. Puis il lécha mes joues avec tendresse et je m’abandonnai à lui, ayant lâché les armes, mon visage se tendait de passion et valsait au rythme de ses baisers. Il agrippa ma nuque, la pressa, je sentis ses ongles sous ma peau et, enfin, il m’embrassa… Son baiser était féroce, il me mordait, suçait mes lèvres et sa langue caressait ma langue dans une étreinte cannibale, je lui appartenais, j’étais statufiée, et je ne sentais plus que mon corps, mes pensées s’évanouissaient dans l’air, et enfin, enfin !, je ne contrôlais plus, ma chair était sienne et je les laissais, lui et mes émotions en disposer.
Il me déshabilla, non sans heurts et sans sourires, et m’allongea sur le sable. Il câlina chaque partie de mon corps de ses caresses et baisers, j’étais un pays à découvrir et l’explorateur ne voulait surtout pas brusquer les reliefs qu’il déflorait. Chaque mont, chaque vallée furent visités avec prudence. Certaines caresses se faisaient plus insistantes à certains lieux où mon désir était exacerbé et dans mon souffle devenu rapide des gémissements jaillissaient parfois. Dans un geste du bassin il comprit que je lui offrais mon intimité profonde et il vint en moi après que d’une contorsion rassurante il eut enveloppé sa virilité de latex…
Son souffle dans mon cou, sa sueur se mêlant à la mienne, nos lèvres se cherchant, nos mains se liant et nos yeux grands ouverts l’un sur l’autre, mon sexe explosa et mon cœur se libéra enfin de ma poitrine dans un cri surgissant…

Le lendemain matin , couverts d’un duvet qu’un ami bienveillant avait dû déposer sur nous, nous nous réveillâmes enveloppés de douceur, le soleil commençant à réchauffer nos os.
« Hier, tu as dit que tu ne pouvais pas me lire, pourquoi ? Je ne comprends pas…
_ C’est illisible, tout est flou sur toi…
_ Comment ça "tout est flou sur moi" ?
_ Oui . Je lis l’histoire des gens sur eux… Et toi je ne peux pas te lire, tout est si brumeux, presque effacé …
_ Tu sais pourquoi ?
_ C’est à toi de me le dire… »
Un instant s’écoula dans la tranquillité quand je l’interrogeai de nouveau :
« Tu as bien dit que tu lisais sur les gens ? Tu veux dire à travers leurs cicatrices, leurs rides, leurs stigmates ?
_ Non je veux dire que je lis des mots qui me racontent les maux, m-a-u-x, des Hommes sur leur peau, ils s’inscrivent sur eux et je peux les lire comme sur les pages d’un livre, réellement. »

4 commentaires:

  1. Et voilà, je viens de me rendre compte de ce superbe acte manqué (réussi) qu'est le prénom de mon héroïne... Hélia, ça vous fait pas légèrement penser à un autre prénom un peu plus courant mais qui a la même étymologie ? :/

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  2. Magique! Je trouve que tu as vraiment réussis à faire passer des sensations dans ce chapitre! Mais bon je trouve ça un peu gênant quant même pour moi!Dommage que l'homme n'était pas femme!
    Maïlys.

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  3. Hélia pensa à Kafka, elle était lisible, risible............ Cefiro ne pouvait donc la lire sans artifice, ne pouvait la deviner, la sentir, l'aimer comme elle était ou n'était pas !

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  4. Hélia pensa au repentir des peintres.
    Il suffisait que Cefiro la contemple comme un splendide repentir.
    A lui, à nous d'écrire notre histoire, de la vivre.
    Peindre ensemble voilà ce que nous pourrions réaliser.
    Cefiro était-il mon peintre, mon poète ?
    Moi non plus je ne lisais pas la peau mais j'avais senti son âme m'effleurer.
    Mon corps, mon âme ne lui suffisaient-ils donc pas ?
    Les chemins de traverse ne sont-ils pas plus parfumés que les lignes droites ?

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